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La vérité sur les pixels

mercredi 30 juin 2010

Voilà pour une fois un billet qui ne raconte pas n’importe quoi, mais faudrait pas s’habituer. Étant donné que je reçois des tombereaux de newsletters pour me vendre des appareils photos compacts à 80 milliards de petapixels, je me permets de faire une petite remarque à ce sujet.

Un des arguments les mieux mis en valeur par les fabricants, surtout pour les compacts, c’est le nombre de pixels. En ce moment je reçois donc un paquet de newsletters concernant la sortie de compacts à 15MP. « Davantage t’as de pixels, plus tu es un homme » nous disent en substance ces publicités, parce que l’argumentaire marketing technique, on le sait, c’est fait pour les hommes virils, ceux qui boivent de l’eau de vie de patate en écoutant leur lecteur MP3 qui a une réduction de souffle de malade.

Eh bien cet argument des pixels, c’est de la merde. Mais je développe.

En passant à travers un trou, la lumière est diffractée. Plus le trou est petit, plus le phénomène est visible. L’image d’un point réel vue au travers d’un trou n’est donc pas un point, mais une tache dite tache d’Airy.

La taille du disque central de cette tache est approché par la formule

La fameuse tache d'Airy, qui ressemble vaguement à un blob

sin θ = 1,22 λ / D

où D est le diamètre de l’ouverture, λ la longueur d’onde de la lumière et θ l’angle formé par le plan du capteur et le rayon incident. Pour θ petit, on considère que

sin θ = tan θ = x/f

où x est le rayon du disque d’Airy et f la longueur focale de l’objectif utilisé.

Donc x = 1,22 λ f / D.

Il se trouve que le nombre d’ouverture NO (NO vaut 1,8 pour  f/1.8) est égal au rapport entre la distance focale et le diamètre de la pupille d’entrée de l’objectif, soit

f / D = 8

pour une ouverture à f/8. La pupille d’entrée étant l’image du diaphragme vue du devant de l’objectif. En passant, ceci explique pourquoi il existe des objectifs qui ont une ouverture atteignant des valeurs inférieures à 1. En théorie ce rapport est limité pour les objectifs d’appareil photo à une valeur d’environ 0.5.

Revenons à nos moutons : nous avons donc

x = 1,22 λ NO

Nous allons considérer uniquement la longueur d’onde dans le vert qui correspond à peu près à la valeur médiane de ce que l’oeil humain peut percevoir. Nous prendrons donc pour la suite λ = 550 nm.

La belle affaire me direz-vous. Or justement j’atteins la fin de la démonstration dans un feu d’artifice de chiffres.

Les constructeurs donnent le nombre de pixels n et la surface du capteur (S), dans le cas pratique d’un Samsung TL34HD qui devient pénible à force de se voir rabâcher son nombre de mégapixels :

n = 14 700 000 et S = 41,07 mm²

d’où l’on déduit la surface moyenne d’un pixel

s = 2,79 µm²

Comme notre appareil photo utilise un filtre Bayer, où les pixels verts ne se touchent pas, mais sont éloignés d’un pixel, on considérera la surface utile

a = 4 s = 11,17 µm²

et le côté d’un pixel sera donc

c = 3,34 µm

Si les disques d’Airy sur deux pixels adjacents se superposent, cela signifie que l’image de deux points se mélangeront sur le capteur. On doit donc avoir

c > 2 x

a > 2 * 1,22 λ NO

nous donne dans notre cas pratique

NO < 3,34 / (2,44 * 0,55) = 9,96.

Ce qui veut dire que pour des ouvertures inférieures à f/8, on perdra de l’information puisque les images données sur deux pixels adjacents se superposeront. f/8 ça fait pas lourd. Avoir des tas de mégapixels c’est bien si on a un gros capteur et des gros pixels, sinon on a tendance à perdre plus qu’on ne gagne. D’ailleurs les vrais hommes c’est pas ceux qui ont une Porsche, c’est ceux qui roulent en camion.