Trois ans en arrière (en l’honneur de nos voisins suisses, ce texte sera enrichi en helvétismes), il avait fallu que j’installe Gentoo (une distribution de Linux) sur un ordinateur du Louvre, et à l’époque, ce fut un cauchemar. Les sites de la communauté Linux étaient écrits en Klingon et en boustrophédon me semblait-il, et rien que pour choisir la version de l’installeur, il fallait être un de ces extrêmistes barbus qui font tout en lignes de commande sur le terminal.
Quelle version de l’installeur désirez-vous ?
- La version ultra-critique qui va vous exploser à la gueule (non je veux pas ça)
- La version critique qui a de grandes chances de vous propulser dans un univers parallèle (non je veux pas ça)
- La version sous-critique qui comporte de sérieux risques pour l’intégrité de votre système (qu’est-ce que ça veut dire ? On va dire que je veux pas ça)
- La version stable et complètement dépassée depuis 6 ans (non je veux pas ça)
Ah, il y pas d’autre choix.
Quelle est l’architecture de votre processeur ? (ah, une question facile)
- AMD (non)
- x86 modifié structure hybride 48 bits (qu’est-ce que c’est que ça ? Non !)
- processeur fabriqué maison avec un moteur de tondeuse (???)
Alors je me tourne vers les forums d’aide, erreur énorme, même les questions sont incompréhensibles et écrites en lignes de commande, du genre
/dev/usb mount cd /usr/share ls -l vi pendrive more lol lol ? /bin chmod 714 file_ex looool
De toute évidence c’est là l’oeuvre du Malin, et je me prépare à composer le 16 pour un exorcisme (18 : pompiers, 17 : police, 16 : Sainte Inquisition, 15 : SAMU), mais toutes les questions et les réponses sont écrites comme ça. Je suis certainement tombé sur les communications cryptées d’un complot néo-templier qui veut noyer le monde sous des kilolitres de Rivella rouge, et il ne me reste qu’à fuir.
Admettons que je m’en sois sorti, je ne sais plus comment, il a encore fallu choisir entre Gnome ou KDE pour l’interface, et là les forums sont remplis de fous « comment tu peux dire que KDE est plus user friendly, faut vraiment être un sale nazi ! » et donc on choisit au pif. Après, la magie de Gentoo, c’est qu’il faut tout compiler soi-même, donc en fait d’installeur, tu parles, débrouille-toi.
Il m’a fallu deux jours pour tout ça, et à la fin je sanglotais en permanence. Mais schlussendlich j’avais un joli Linux qui marchait, vite, bien, et qui avait plein d’économiseurs d’écran différents.
Aujourd’hui les choses ont bien changé, j’ai commandé sur eBay un ordi d’occasion qui m’a été livré un jour en avance sur la date prévue, première belle performance. Même si les distributions Linux ont toujours des noms de maladies tropicales infectieuses, on arrive à savoir ce qui nous correspond sur des sites généralistes, et, choisissant Ubuntu (parce que je suis main stream), j’ai eu un guide d’installation en français et conçu pour des trisomiques sous Lexotan, avec, ô joie, uniquement deux options simplissimes à choisir, et un avertissement « si vous ne savez pas quoi répondre, laissez les options par défaut ». Temps total d’installation, en comptant toute la lecture préliminaire : environ septante-cinq minutes. On vit une belle époque.