La Reine – Vive la Reine ! Vive la Reine ! – fête ses soixante ans de règne – puisse-t-il durer encore soixante fois soixante ans – et nous a accordé dans sa maternelle et majestueuse bonté un jour de congé supplémentaire pour célébrer son jubilé – aussi adamantin que l’éclat des dents royales. N’étant point sujets de sa Majesté, nous sommes allés voir ailleurs si par hasard la gloire de son Altesse Royale passait les frontières et si les peuples barbares vivant sous le joug de roitelets de seconde zone participaient à la joie qui submergeait notre beau pays. Submersion seulement inférieure en quantité à celle provoquée par l’afflux de bière en promotion dans les rayons des supermarchés de notre beau pays. Autre raison qui nous fait temporairement quitter nos îles.
C’est à Bergen que nous nous en allons, au milieu des fjords, des harengs fumés et de la dépression d’Islande. Afin de ne pas remettre en question nos compétences intellectuelles, nous admettrons que nous sommes assez courageux pour partir dans un pays avec un climat encore plus pourri que celui de l’Angleterre. À quelques jours de l’été, les températures vont difficilement décoller au-dessus de 10 C. Mais le jour dure plus de 18 heures alors on se console en se disant qu’on va quand même arriver à synthétiser notre vitamine D sur le long terme. Voilà, tout est une affaire de point de vue. Et puis sinon on a toujours la possibilité de recourir à l’huile de foie de morue. Car Bergen est un ancien port hanséatique et tout ici n’est que poisson polisson et poissonnier passonnié.
Enfin pas tout, quand même. On notera les vieilles maisons en bois du centre historique, qui ont l’air de brûler tous les quatre matins ; le musée d’art de la ville qui propose de belles expositions sur les peintres norvégiens – Nikolai Astrup et ses paysages évocateurs en l’occurrence (« évocateurs » ça ne mange pas de pain comme adjectif, faute de mieux. Mais l’exposition était vraiment intéressante pour un peintre qu’on ne connaissait guère) ; la Stavkirke de Fantoft, réplique d’une église en bois qui semble rappeler davantage le paganisme que le christianisme ; et puis les prix des repas au restaurant qui sont également évocateurs, mais du sac de Rome.