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Chrome Hill

mercredi 9 avril 2014

On entend parfois certains se plaindre que l’Angleterre est un lieu pourri où quand il ne pleut pas, il fait quand même humide. Il va falloir arrêter de gémir et voir le verre à moitié plein pour changer. La situation est tout de même bien meilleure qu’il y a 300 millions d’années quand le sud du Peak District constituait le plancher océanique d’une mer tropicale. Imaginez un peu, à l’époque il faisait non seulement vraiment humide, mais en plus il faisait chaud.

Que reste-t-il de ces jeunes années ? Dans la vallée de la Dove, entre Derbyshire et Staffordshire, les restes des récifs coralliens ont formé des collines de calcaire qui se sont érodées moins vite que les couches sédimentaires et ont fini par former des reliefs découpés dont les marcheurs et les brebis se régalent également, mais pour diverses raisons.

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Le crétin des collines

dimanche 23 février 2014

Que soient ici consignés, dans l’airain des internetz mondiaux, les faits dramatiques qui se sont déroulés ce samedi 14 décembre 2013 et qui ont vu votre serviteur apercevoir le blanc des yeux de la Grande Faucheuse, ou tout au moins survivre à une congélation des membres qui a failli conduire à de multiples amputations, ou en tout cas attraper un gros rhume.

J’étais parti de bon matin avec un nouveau partenaire pour faire de l’escalade aux Roaches, de grosses falaises de grès dans le sud-ouest du Peak District. L’endroit est réputé dans le Peak pour ses routes en multi-pitch, assez rares dans le coin. Des routes d’une trentaine de mètres, dans un bel environnement qui surplombe les collines voisines.

Petite parenthèse sur l’escalade en Angleterre et au Pays de Galles. Ici la discipline reine est le « trad » qui se traduit en France par « terrain d’aventures » si je ne m’abuse. Les routes ne sont pas jalonnées de spits ou de pitons grâce auxquels le grimpeur protège sa chute. Au lieu de cela, le premier de cordée place au fur et à mesure de sa progression ses propres protections que le second retire lors de son passage. Les protections consistent principalement en « nuts« , sortes de coins métalliques à placer dans des failles, de « hex« , autres pièces métalliques plus grosses pour les failles plus larges, et de « cams » qui sont des genres de bidules diaboliques assez difficiles à décrire – disons qu’il s’agit de machins avec des lobes et des ressorts insérés dans des fissures et qui sont magiques. Le premier de cordée commence donc à grimper en se trimballant plusieurs kilos de quicaillerie qui sonnent comme un troupeau de vaches et cherche périodiquement à installer une pièce de protection dans une fissure, auquel il ajoute une dégaine dans laquelle il passe sa corde. S’il a bien fait son travail, il est (et son second après lui), bien protégé d’une chute, ces pièces de protection pouvant résister à des forces assez herculéennes. Le second a le rôle ingrat de devoir faire sortir ces pièces hors des fissures dans lesquelles elles sont profondément enfoncées, ce qui se révèle parfois compliqué. Si tout va bien, la cordée escalade une route en ne laissant aucune pièce, ce qui est une belle marque d’éthique. La grande majorité des routes (notamment au célébrissime Stanage Edge) nécessite une seule longueur de corde : on part du ba

s de la falaise, on escalade, on sort au sommet et on redescend à pied sur le coté de la falaise –  mais aux Roaches il s’agit de multi-pitch, et les routes demandent quelques compétences supplémentaires par rapport à d’habitude : il faut grimper le premier pitch, construire un relais et grimper le second – rien de bien compliqué.

Nous étions donc partis nous frotter au fameux grès du Peak (« God’s own rock » comme l’appellent les Anglais) par un froid assez perçant, et à une date proche du solstice d’hiver, dans une région assez septentrionale (ça aura son importance). L’humidité de la roche et le vent glacial n’aidant pas, nous bataillons longuement pour grimper des routes qui ne devraient normalement pas nous poser de problèmes. Malgré tout nous décidons de nous lancer à l’assaut de Valkyrie, une des routes les plus célèbres du Peak. Encore une fois, une route que normalement nous ne devrions pas avoir de mal à grimper, mais ce n’est visiblement pas notre jour. Le premier pitch est monté assez laborieusement mais sans problème particulier.

Après cette première partie, il ya une petite plateforme de deux mètres carrés, bien protégée, où le relais est construit (le premir continue donc à grimper pendant que le second l’assure depuis la plateforme – dans un confort relatif). Le deuxième pitch est plus délicat : il faut traverser horizontalement sur la gauche de la plateforme jusqu’à ce que le premier disparaisse aux yeux du second, et le premier continue ensuite verticalement, toujours caché jusqu’au sommet. La toute première partie de ce second pitch est particulièrement crainte car le premier de cordée doit réussir à trouver une prise de pied invisible alors que ses bras commencent à fatiguer. C’est encore pire pour le second parce qu’une chute du second sur une traverse crée des mouvements pendulaires assez imprévisibles et inconfortables.

Alors que nous contemplons ce début de second pitch, il commence à pleuvoir sérieusement et l’idée de descendre en rappel prématurément me paraît bien séduisante. Mais descendre maintentant signifie abandonner un peu d’équipement derrière nous et mon partenaire a l’air d’être motivé pour finir la route. Il se lance donc et bataille longuement avant de trouver la fameuse prise de pied (avec un hurlement de soulagement) et de disparaître de ma vue. Le vent qui forcit rend la communication difficile. Je l’assure en fonction de la tension que je sens dans les cordes. L’une des cordes a un sursaut, qui déloge l’un des plus gros hex placés ; ce dernier descend rapidement en glissant et atterrit contre la paroi, enfin aurait atterri contre la paroi si mes doigts ne s’étaient pas trouvé entre les deux. Petit cri et larme à l’oeil. Après ce qu’il me semble être de longues minutes, pendant lesquelles la nuit a eu le temps de tomber (il est 4 heures), j’entends mon partenaire au sommet crier plusieurs choses, je n’arrive qu’à saisir qu’il est bien sain et sauf au sommet (n’oublions pas le vent et son horrible accent du Lancashire).

Assumant parfaitement les moqueries futures (et le coût de l’équipement abandonné), je décide pendant ce temps de descendre en rappel (j’ai apparemment deux doigts blessés, il pleut, il fait nuit et je veux aller me rouler en boule dans mon lit). Normalement pas de problème : j’essaie d’en informer mon partenaire qui ne m’entend pas mais j’arrive à lui faire comprendre qu’il récupère une des cordes pour venir me chercher si quelque chose tourne mal. J’essaie de récupérer l’autre corde, qui ne l’entend pas de la sorte et décide de rester coincée dans une fissure – impossible de la faire venir. Moment de solitude, mais des promeneurs en contrebas semblent avoir vu mon désarroi et me demandent si j’ai besoin d’aide. J’ai encore un peu d’honneur restant (pas pour longtemps) et je décline pour le moment – mais j’ai aussi encore un peu de prudence et leur demande d’attendre. J’essaie pendant ce temps de faire comprendre à mon partenaire qu’il doit descendre m’aider, mais là encore le vent, la pluie, la nuit et le léger surplomb au-dessus de moi rendent le rappel pour le moins acrobatique. Finalement dans un cri de désespoir je demande aux promeneurs d’en-bas (serviables comme seuls des sujets de Sa Majesté peuvent l’être) d’appeler la Mountain Rescue.

Les Mountains Rescue Teams, c’est l’équivalent des PGHM en Angleterre. Des équipes de bénévoles (mais pas des rigolos pour autant) basés autour des zones montagneuses qui vont chercher les marcheurs perdus dans le brouillard, les randonneurs blessés et autres grimpeurs coincés. Il y a 5 équipes autour du Peak District, qui s’occupent principalement de chevilles foulées et d’égarés sur le Kinder Scout. Mais de temps à autre un idiot reste coincé sur une voie d’escalade, et là on peut seulement imaginer l’excitation pour la MRT qui doit s’occuper du cas. Car si les MRT sont constituées de bénévoles, ce sont des passionnés qui sont en général contents d’être appelés, que ce soit pour retrouver quelqu’un dans le brouillard ou aller chercher quelqu’un dans les rochers.

Mais en attendant l’arrivée providentielle de la MRT, je me blottis sur ma petite plateforme en essayant de me protéger au mieux de la pluie et du vent. Après un peu plus de deux heures où la police, les infirmiers et même les pompiers (mais pourquoi les pompiers) auront pointé le bout de leur nez, tout un peloton de secouristes de montagne fait son apparition et se lèche les babines devant la difficulté du sauvetage à effectuer : gros vent, pluie, obscurité, rappel surplombant (à noter qu’à part le froid, je suis en postion assez confortable – je ne risque pas de chuter). L’équipe prépare donc son rappel, m’attrape au passage dans un harnais de sauvetage, minable loque tremblante que je suis et me descend au sol en quelques minutes. Passée l’envie d’imiter Jean-Paul à la descente d’un avion, des membres de la MRT me donnent leur manteau, leurs gants et me portent presque jusqu’à une ambulance (même si je peux parfaitement marcher). Difficile de souligner à quel point ces types sont gentils (il y en a un qui me refait mes lacets, parce que je n’y arrive plus) et prévenants (ils iront jusqu’à récupérer notre équipement, histoire de se tester un peu, ce qui était franchement inattendu). À partir de là rien que de très routinier : chocolat chaud et petit examen médical – je m’en sors avec une paire d’entorses et une bonne hypothermie (34°C), ainsi qu’une promesse d’interview pour figer ma honte dans le marbre, ce qui devrait m’apprendre à aller faire le crétin des collines.

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Très gentil éclaireur

samedi 21 septembre 2013

Retour dans le Peak District, pour un aperçu rapide du point culminant du parc national, le Kinder Scout (étymologie sujette à débat mais probablement rien à voir avec des scouts qui mangent du chocolat). Contrairement à d’autres sommets des alentours qui forment de beaux points culminant reconnaissables de loin avec une physionomie bien définie, le Kinder Scout est un plateau tout plat qui s’aplatit platement sur quelques kilomètres de côté. On s’y perd facilement dans le brouillard, on disparaît dans des tourbières, on fait des chutes depuis les bords, c’est amusant.

En 1932 cependant le Kinder Scout a été le théâtre d’une petite révolution, lorsque plusieurs milliers de travailleurs de Manchester décidèrent de s’assembler sur le Kinder Scout pour protester contre l’absence de liberté de randonner en Angleterre et au Pays de Galles. Les terres appartenaient (et appartiennent encore) à des propriétaires privés qui ne toléraient pas l’accès à ces grands espaces vides par des marcheurs. Ce « mass trespass » et les violences qui suivirent entre marcheurs et garde-chasse provoqua la création, seulement 68 ans plus tard du « Countryside and Rights of Way Act » qui garantit le droit d’accès à la nature à chacun. Même les pauvres.

Après une montée en solitaire en mai dans un brouillard opaque à rendre jaloux un discours de porte-parole de parti politique, et qui avait valu à notre courageux randonneur à des merveilles de navigation pour parcourir 3 km en 2 heures en manquant d’être englouti par des tourbières à de multiples reprises ; la petite famille est revenue au complet vaincre ce sommet, le point le plus haut du Peak District, le point le plus haut du Derbyshire, le point le plus haut d’Angleterre au sud de York et qui n’est pas à cheval avec le pays de Galles, culminant à plus de 25000 pouces d’altitude. Tous ces faits sont très impressionnants.
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Yorkshire Dales

jeudi 19 septembre 2013
Un peu de géographie pour commencer aujourd’hui, car l’éducation des masses ignorantes est le noble objectif auquel je me voue. À mi-temps seulement car trouver des remarques condescendantes m’occupe déjà pas mal.

Notre bien-aimé Peak District forme la partie méridionale des Pennines, une chaîne montagneuse qui s’étend du centre de l’Angleterre jusqu’au nord en s’élevant progressivement à mesure qu’elle se rapproche de l’Écosse, en culminant au Cheviot (815 m). Principalement calcaire, et couvert de grottes, le massif des Pennines forme une de ces oasis de calme dans une Angleterre très densément peuplée, ce qui a permis la création de plusieurs parcs nationaux dans ces collines : le Peak District donc, mais aussi les Yorkshire Dales et le parc national du Northumberland. À noter que les Pennines sont traversées par un chemin de grande randonnée intelligemment appelé Pennine Way, fort couru par les amateurs de randonnée sous la pluie (ailleurs connus sous le noms de Britanniques).

Sans transition, nous nous retrouvons dans le sud des Yorkshire Dales. Le paysage rappelle le Peak District, mais les vallons sont plus encaissés, les collines plus hautes et plus découpées. Les routes sont ridiculement étroites et pentues.

Nous passons la première journée du côté de Malham, d’abord à Malham Cove, le site d’une cascade asséchée qui a laissé derrieère elle un beau paysage calcaire de falaise et de lapiaz. Après-midi autour de Malham Tarn, petit lac dans les landes. C’est plat comme paysage les lacs, mais il y a des amateurs pour les grandes surfaces planes aqueuses. Ne leur jetons pas la pierre.

Le deuxième jour, nous nous proposons de monter sur le Pen-y-Ghent, l’une des grandes collines qui se découpe dans le ciel des environs. Certes le Pen-y-Ghent ne culmine qu’à 694 mètres, mais la colline a l’air colossale dans le brouillard matinal. Elle fait partie des Yorkshire Three Peaks avec l’Inglebourough (723 m) et le Whernside (736 m), trois collines qu’il est possible d’enchaîner dans la même journée (compter une quatorzaine d’heures quand même). Ceux qui terminent ce challenge ont le droit de porter une cravate aux couleurs des trois peaks. La cravate est moche mais la performance respectable. Belle randonnée en tout cas le long de la Pennine Way.

Notre dernier jour nous emmène autour de l’Ingleborough traverser quelques forêts et voir quelques cascades. Toujours jolies, parfois grandioses, les cascades jouissent d’une excellente réputation au sein de notre petite famille.

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Montagnage, colline montage et alpinage

jeudi 25 avril 2013

L’excitation dans les cercles de l’alpinisme britannique est indescriptible, à la suite de la promotion du Thack Moor au rang de montagne. Il s’agit de la 254ème montagne anglaise. Une nouvelle mesure vient en effet de démontrer que le sommet dépasse les 2000 pieds, l’altitude requise pour bénéficier de l’appellation de montagne. 2000 pieds, soit 609.6 mètres. Les offices de tourisme locaux précisent que cette accession au rang de montagne va encourager le tourisme, et notamment la venue de valeureux trompe-la-mort bien décidés à ajouter un sommet à leur liste d’accomplissements périlleux (K2-Annapurna-Thack Moor).

Je m’étais promis de ne pas me moquer et de remettre tout cela en perspective. Encore raté.

Il y a quelques jours, un de mes collègues partant en randonnée dans le Lake District, au nord de l’Angleterre, me demandait mon avis – apparemment en haute estime auprès des amateurs de randonnée, sans doute à cause d’un amalgame avec ma connaissance extensive en matière de fromages montagnards – sur la pertinence d’acheter un piolet en plus de ses crampons à glace pour son voyage. Sachant que l’Angleterre culmine au Scafell Pike dans le Lake District à 987 mètres, je lui ai involontairement ri au nez. Pour moi cela participait de la tendance excessive qu’ont les Britanniques, et les Anglais en particulier, à soigner leur complexe d’inferiorité en ce qui concerne les altitudes de leurs reliefs en surévaluant les difficultés qui se présentent à eux. À ce sujet, voir comment nous avons vaincu le Snowdon gallois (et les doigts dans le nez encore).

À son retour mon collègue m’a précisé qu’il était resté bloqué à 800 m en l’absence d’un piolet et d’une corde. Typique délire de puissance, me dis-je. Bientôt il va me dire que sa cordée est tombée dans une crevasse à 400m dans la montée, en face du pub.

 J’ai un a priori difficile à vaincre selon lequel en dessous de 1500 mètres on ne parle pas d’alpinisme mais de promenade. Et pourtant, l’alpinisme moderne a bien été créé par les Britanniques (la fondation de l’Alpine Club à Londres en 1857 marque les débuts des clubs d’alpinisme) et ce sont des Britanniques qui ont le plus largement contribué à défricher les cimes des Alpes (Whymper ou Mummery par exemple) et des Pyrénées (citons Russell) au XIXe siècle. On pourrait être tenté de rapprocher ça des dingueries exploratoires de l’Empire, mais aujourd’hui encore les alpinistes britanniques brillent régulièrement en faisant des clowneries jamais faites auparavant à quelques milliers de mètres d’altitude.

Bon mais alors, comment leur vient cette fièvre des sommets s’ils ne grandissent plus à l’ombre des terrasses de Darjeeling sous le regard amusé (mais sévère) de leur père à moustaches, fonctionnaire dans un bureau d’enregistrement des Indes ? Et qu’est-ce qui les pousse à répertorier et à classifier la moindre éminence de leur territoire dans une farandole d’appellations cryptiques : Marilyns (montagnes et collines avec une hauteur de culminance de plus de 150m), Hewitts (collines de plus de 2000 pieds avec une hauteur de culminance de plus de 30m) et Nuttalls (idem avec une hauteur de culminance de 15m) – et je passe les moindres Wainwrights, Furths et autres Deweys ? Je rappelle qu’on parle ici de sommets qui ne dépassent pas 1000m en Angleterre, 1100m au Pays de Galles et 1350m en Écosse. Pour un continental, ça manque de dignité. Et au passage, oui, les Britanniques nous appellent des « continentaux » (ou des « Européens »). Alors hein, comment et pourquoi montent-ils partout ?

Je vois 3 axes à ce qui s’annonce comme une analyse sociologique qui fera date, je le sens :

  1. La recherche du défi personnel, qui relève quasiment du vice pour le gentleman britannique. La notion centrale ici, est celle d’achievement, d’accomplissement. Les Anglais parlent souvent de « tick something off a list« , cocher quelque chose sur une liste pour expliquer ce besoin de réaliser quelque chose : on ne va pas à la montagne pour profiter de la vue, on y va pour grimper ce sommet en particulier. Pourquoi pas, après tout. Oui mais une fois qu’on a grimpé tous les sommets disponibles, on fait quoi alors ? En l’absence de difficulté suffisante à la maison, on s’exporte pour voir ce qui se fait ailleurs. C’est-à-dire qu’on va aller voir si les Alpes, ce serait pas un peu plus motivant, malgré la présence de ces insupportables continentaux.
    Alternativement, on invente des règles arbitraires à respecter pour rendre artificiellement difficile ce qui a déjà été fait ; ensuite on exportera également ces règles – ce qui permet d’obtenir dejolly good challenges
    . Ainsi de la popularisation du Clean Climbing en Angleterre, sous-genre de l’escalade où on ne laisse pas de fixation sur les parois. Cette popularisation s’est faite non seulement sous l’impulsion des hippies amoureux de cailloux purs et jolis mais surtout sous celle des alpinistes classiques du Peak District qui trouvaient que les routes à leur disposition devenaient trop faciles s’ils utilisaient des pitons dejà en place. Tout ça pour la beauté du geste, donc. Une fois que la théorie est bien développée, on exporte ça un peu partout et on finit par grimper le Cerro Torre à la dent.
  2. Les conditions climatiques : on se moque mais quand on traverse une nappe de brouillard dans le Peak District à 300m d’altitude et qu’on se retrouve avec 10 degrés de moins de l’autre côté, on est tenté de croire à ces histoires de piolet à 800m. Une fois qu’on a monté des collines écossaises en t-shirt, on peut certainement tenter l’Everest si on a un bonnet et des pantoufles fourrées. Prenez les points 1 et 2 et on arrive à la notion d’ascension hivernale : le Ben Nevis est trop facile à grimper en été ? Qu’à cela ne tienne, on va maintenant le faire en hiver, ce qui demande effectivement un entraînement autrement plus sérieux. L’ascension hivernale du Ben Nevis (1344 m) par certaines routes est considérée être à peine moins difficile que la face nord de l’Eiger.
  3. La tradition : si des types avec des rouflaquettes grosses comme ça sur des vieilles photos en noir et blanc fument la pipe à 6000m dans la cordillère des Andes, on ferait aussi bien de les imiter, après tout on est membres du même club. Pas d’explication rationnelle à ça mais la Reine sera sans doute contente.

Tous ces éléments s’enchevêtrent dans un tournoiement de causes et d’effets réciproques. Le résultat est pour le moins étrange, avec une culture de la montagne largement partagée (avec au choix le mountaineering, le hill walking et l’alpinism) malgré l’absence de véritable chaîne de montagne (correspondant à la définition scientifique : gros truc pointu avec de la neige au sommet), des bonshommes qui vont perdre leurs orteils sur des sommets népalais, mais également d’autres qui montent le Mam Tor (517 m dans le Peak District, 92 m de dénivelé depuis le parking) en suivant un chemin pavé sous un beau soleil estival et qui reviennent le lundi matin à la machine à café en prétendant avoir contemplé la Grande Faucheuse droit dans les yeux.

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Croustillances romaines

dimanche 4 novembre 2012
Rome ! Rome et son héritage culturel, Rome et ses merveilles architecturales, Rome et son réservoir de calembours pour profs de latin, Rome et ses sept collines dont le mont palatin. Pas latin ? Toutes ces années d’étude n’auront pas été vaines finalement.
On peut diviser les attractions touristiques romaines en quatre catégories :
  1. les trucs vieux. On classe dans cette catégorie tout ce qui ressemble à des ruines romaines. En général, c’est gros et on se dit qu’on en fait plus, des choses comme ça. Exemples : le Colisée, les Forums, les colonnes qui traînent un peu partout. Mention spéciale aux thermes de Caracalla qui sont particulièrement en ruine et particulièrement impressionnants à la fois.
  2. les trucs anciens, genre les trucs du pape, églises et cathédrales. Attention aux pièges, le Panthéon appartient aux catégories 1 et 2. Avec une église sur chaque place, on est particulièrement servi pour ce qui est de l’architecture religieuse. On commence par des églises « normales », et puis on va voir les basiliques romaines et en voyant Saint-Jean de Latran ou Sainte-Marie Majeure, on se dit que les églises normales c’est un peu de la rigolade quand même. Et puis on va voir Saint-Pierre et on se dit que les basiliques, en fait, c’est de la rigolade. C’est grand, c’est blanc, c’est propre, c’est beau.
  3. les fontaines où on jette des pièces
  4. la boustifaille, et là arrêtons-nous un peu de plaisanter deux minutes et tâchons de montrer un peu de respect pour cette fête permanente des papilles et des estomacs. C’est beau comme l’antique.
Bonus pour ceux qui ont fait du latin : essayez de retrouver le nom des sept collines de Rome. C’est comme les 7 nains, il en manque toujours un.
Solution : Fainéant, Idiot, Méchant, Trouillard, Bigleux et le Gros.
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La Norvège

mardi 26 juin 2012

La Reine – Vive la Reine ! Vive la Reine ! – fête ses soixante ans de règne – puisse-t-il durer encore soixante fois soixante ans – et nous a accordé dans sa maternelle et majestueuse bonté un jour de congé supplémentaire pour célébrer son jubilé – aussi adamantin que l’éclat des dents royales. N’étant point sujets de sa Majesté, nous sommes allés voir ailleurs si par hasard la gloire de son Altesse Royale passait les frontières et si les peuples barbares vivant sous le joug de roitelets de seconde zone participaient à la joie qui submergeait notre beau pays. Submersion seulement inférieure en quantité à celle provoquée par l’afflux de bière en promotion dans les rayons des supermarchés de notre beau pays. Autre raison qui nous fait temporairement quitter nos îles.

C’est à Bergen que nous nous en allons, au milieu des fjords, des harengs fumés et de la dépression d’Islande. Afin de ne pas remettre en question nos compétences intellectuelles, nous admettrons que nous sommes assez courageux pour partir dans un pays avec un climat encore plus pourri que celui de l’Angleterre. À quelques jours de l’été, les températures vont difficilement décoller au-dessus de 10 C. Mais le jour dure plus de 18 heures alors on se console en se disant qu’on va quand même arriver à synthétiser notre vitamine D sur le long terme. Voilà, tout est une affaire de point de vue. Et puis sinon on a toujours la possibilité de recourir à l’huile de foie de morue. Car Bergen est un ancien port hanséatique et tout ici n’est que poisson polisson et poissonnier passonnié.

Enfin pas tout, quand même. On notera les vieilles maisons en bois du centre historique, qui ont l’air de brûler tous les quatre matins ; le musée d’art de la ville qui propose de belles expositions sur les peintres norvégiens – Nikolai Astrup et ses paysages évocateurs en l’occurrence (« évocateurs » ça ne mange pas de pain comme adjectif, faute de mieux. Mais l’exposition était vraiment intéressante pour un peintre qu’on ne connaissait guère) ; la Stavkirke de Fantoft, réplique d’une église en bois qui semble rappeler davantage le paganisme que le christianisme ; et puis les prix des repas au restaurant qui sont également évocateurs, mais du sac de Rome.

Mais enfin, l’intérêt de la région, c’est surtout les fjords, étirés entre des murailles enneigées ponctuées de cascades. Sacrés paysages, si vous voulez notre avis. Pour ce qui est de la vision sublime de la nature, on est servis. Le Sturm und Drang, si vous voyez. Karl von Moor qui galope sous le tonnerre grondant en écoutant la symphonie no. 25 de Mozart sur son iPod pendant que des amantes éplorées se jettent dans le Rhin par dizaines, ce genre de choses.
Nous parcourons donc les fjords, en train en bus et en bateau, entre les murailles de pierre, le plafond nuageux et les sommets blanchis. Nous montons le long des rivières et redescendons autour des cascades, nous longeons les falaises vertigineuses et suivons les plateaux glacés surplombant les eaux grises. Et bah c’est vachement bien.
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Le National Trust

mardi 29 Mai 2012

Dans sa manie de libérer les contribuables du joug de tout et n’importe quoi et de laisser le poids des responsabilités et du financement à des bonnes âmes motivées, et afin de répondre au cri britannique unanime de « D’accord pour faire ça, mais pas avec mes impôts ! », notre beau pays, dans sa quête de la Big Society à tous les niveaux, a eu la sagesse de laisser la conservation de son héritage à ceux qui veulent bien s’en occuper. Dans cette perspective, le National Trust, fondé en 1894, est la principale organisation à but non lucratif (on reparlera sans doute des charities à l’occasion) qui s’occupe de la conservation de l’héritage tant culturel que naturel en Angleterre, au Pays de Galles et en Irlande du Nord. Non, pas en Écosse : les Écossais sont des gens bizarres avec un accent rigolo.

Donc pour résumer, si vous avez un château qui est une relique historique dont vous souhaitiez faire don pour le plus grand bien général, l’État et ses services s’en battent l’oeil avec un parapluie de golf. Il vous faut, dans votre sagesse de châtelain sans héritier, faire don de vos possessions au National Trust qui s’en occupera (ou une autre charity, mais elles sont anecdotiques comparées au National Trust – enfin notons tout de même le trust « English Heritage« ).

Le National Trust est donc le gros organisme qui prend soin de la majeure partie du patrimoine public anglais. Son catalogue de possessions ferait pâlir d’envie le Centre des Monuments Nationaux mais il fonctionne grâce à l’engagement des membres-donateurs et des travailleurs benévoles (plus de 60000 pour environ 5000 salariés par le trust). La visite des châteaux, maisons historiques, moulins et autres abbayes du Trust se fait donc sous le regard bienveillant des retraités qui travaillent bénévolement à l’entretien, la surveillance et surtout guident les visiteurs. Ah, les guides du National Trust, pleins de bonne volonté, de murmures admiratifs et de sourires ; mais qui trahissent un peu trop souvent leur qualité d’amateur par une connaissance approximative de leur sujet et une bonne humeur bien peu professionnelle.

Par chez nous, il y a quelques propriétés et sites du National Trust qui valent un bon détour. Il y a cette ancienne bâtisse toute de guingois, le Little Moreton Hall, à colombages typiques du Cheshire, et datant du 17ème siècle, ou encore dans un autre style, la maison du Lyme Park richement décorée et meublée, entourée d’un parc énorme propice a la promenade et au pique-nique. Étonnamment, le National Trust possède aussi quelques sites naturels tels que le Derwent Edge où l’on trouve des formations géologiques bizarres qui sont des tas de cailloux façonnés par des vents éternels et le mauvais temps, et aussi le célèbre sommet du Mam Tor qui ne vaut tout de même pas les Alpes suisses. Comme il n’est pas pratique de faire payer l’entrée d’un site naturel, le National Trust y met de jolis parking payants. Si on a la carte de membre à l’année (comme nous autres), c’est gratuit. Sinon on peut aussi se garer gratuitement en double file sur la route, apparemment ça ne gêne personne en Angleterre.

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Ah comme le printemps est doux

dimanche 13 Mai 2012
Le printemps dans le Peak District, c’est de la merde !

Climatiquement parlant, s’entend. À peine un rayon de soleil de temps en temps, et un vent glacial, de la grêle, de la pluie et de la neige. Et on vous rappelle que le printemps dure jusqu’en juin alors c’est pas de la rigolade tous les jours. Mais comme le professe Sir Fiennes « There is no such thing as bad weather, only inappropriate clothing ». Ouais, enfin.

Mais ! Ah mais cependant ! Mais attention ! Entre les collines paradisiaques du White Peak et les landes infernales du Dark Peak, le spectacle en vaut la peine. Ah oui alors on en a pour son argent ! (C’est gratuit les paysages, mais n’empêche). Forêts silvestres de Macclesfield, boisées et pléonastiques ; défilés vertigineux de Castleton ; formations géologiques bizarres de Derwent ; vastes prairies et majestueux chênes de Bakewell ; moutons broutant de partout : où que le regard se porte ce ne sont que paysages merveilleux et moutons broutant. Le Peak District est la joie du randonneur qui a une bonne paire de godasses étanches.

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Le désert !

dimanche 25 mars 2012

Silence.